Les défis du nouveau Conseil National du Numérique

Par Raphaële Karayan – Express.fr

Les 30 membres du nouveau CNNum ont été dévoilés ce vendredi. Un Conseil totalement renouvelé, présidé par Benoît Thieulin, et dont la composition intègre désormais des universitaires et plus de grandes entreprises. Premiers chantiers: la fiscalité du numérique et la neutralité du Net.

Le conseil national du numérique remanié et présidé par Benoit Thieulin

Fleur Pellerin a dévoilé les noms des 30 nouveaux membres du Conseil National du Numérique nouvelle version, présidé par Benoît Thieulin – REUTERS/Regis Duvignau

La ministre chargée de l’Economie numérique Fleur Pellerin a installé le nouveau Conseil national du numérique (CNNum) ce vendredi, composé désormais de 30 membres au lieu de 18, à parité entre hommes et femmes. Il sera notamment chargé de rendre des avis et des recommandations sur les questions de la fiscalité du numérique -l’ancien CNNum s’était montré hostile aux projets de taxe Google-, de la net neutralité et de la fracture numérique. L’ancien CNNum avait démissionné comme un seul homme en juillet dernier, à l’exception de son ancien président Gilles Babinet, à la suite de l’imposition d’un nouveau secrétaire général, Jean-Baptiste Soufron, alors conseiller numérique au cabinet de Fleur Pellerin, et chargé de redéfinir le rôle du CNNum. Ce dernier reste secrétaire général du nouveau Conseil.

Compte tenu de cet historique, Fleur Pellerin a tenu à préciser d’entrée que le remaniement du CNNum n’était pas du tout « une question de personnes », saluant le travail « remarquable » effectué par l’ancien collège et ses présidents successifs, Gilles Babinet et Patrick Bertrand. Elle a défini les contours de la nouvelle instance comme élargis à toutes les questions touchant au numérique, y compris celles relatives aux libertés et à la démocratie sur internet. Pour la ministre, cette nouvelle équipe « mixte, ouverte, inventive », composée « d’experts, de passionnés et d’intellectuels » « choisis pour leurs compétences », n’est « pas un comité Théodule » et devra être « plus qu’une boîte à idée, une vigie », dotée d’un double rôle consultatif (émission d’avis en réponse à des saisines) et prospectif. « Il fera en sorte que le numérique ne soit jamais oublié, jamais bradé, et devra irriguer les politiques publiques », a encore ajouté Fleur Pellerin.

L’initiateur de Désirs d’avenir à la manoeuvre

Le président de ce nouveau CNNum, désormais désigné par le gouvernement et non plus élu, est Benoît Thieulin, fondateur et dirigeant de la web agency La Netscouade, mais aussi concepteur de la plateforme participative Désirs d’avenir pour la campagne de Ségolène Royal à l’élection présidentielle. Mais pas d’arrières-pensées… Le CNNum sera « totalement indépendant », a insisté Fleur Pellerin. Elle y aurait tout intérêt, dans la mesure où ses avis ne sont que consultatifs et pourraient servir à faire passer auprès du monde d’internet et de l’économie numérique des décisions du gouvernement souvent mal reçues par le landerneau. Benoît Thieulin, qui a rappelé son attachement à la « démocratie participative », a d’ailleurs insisté sur le rôle « pédagogique » du Conseil pour éviter l’habituel « web bashing ».

Entorse à cette totale indépendance, neuf membres extérieurs seront nommés par arrêté : deux députés, deux sénateurs, et cinq représentants de collectivités locales.

Toujours pas de représentant des consommateurs

Parmi les 29 autres membres, beaucoup moins d’hommes et de web entrepreneurs que dans l’ancienne mouture. On note la présence de plusieurs universitaires (Brigitte Vallée, Bernard Stiegler, Nathalie Sonnac, Sophie Pène, Serge Abiteboul), ce qui n’était pas le cas auparavant. En revanche, toujours pas de représentants des consommateurs, ni de spécialistes du droit.

Les entreprises représentées sont plutôt de grands groupes (La Poste, BNP Paribas, Axa, Dassault Systèmes, Capgemini, Hachette, Ubisoft). Et parmi les entrepreneurs, on note la présence de Stéphane Distinguin, fondateur et président de FaberNovel, qui s’était notamment fait connaître pour avoir critiqué le mouvement des Pigeons (le CNNum compte aussi dans ses rangs Marie Ekeland, très impliquée dans la défense des investisseurs à travers les Pigeons, ceci dit).
Orange, dont l’Etat est actionnaire, est particulièrement bien représenté, par Laurence Le Ny, directrice musique et culture du groupe, et Valérie Peugeot, chercheuse à Orange Labs. Les autres opérateurs en sont absents, alors que dans la première version du CNNum les patrons de SFR, Bouygues Telecom et Free étaient au rendez-vous.

Une organisation usine à gaz ?

Le CNNum se réunira mensuellement, tandis que son bureau, composé du président et de quatre vice-présidents (Tariq Krim, Christine Balagué, Valérie Peugeot, Godefroy Beauvallet), tiendra une réunion mensuelle. Il publiera chaque année un programme de travail, soumis à consultation publique pendant un mois. La première réunion collégiale aura lieu le 1er février.
Mais le travail du CNNum risque d’être difficile. Ses anciens présidents l’ont prévenu. Patrick Bertrand a souligné le « besoin d’avis tranchés et clivants », tandis que Gilles Babinet a fait valoir la nécessité « d’avis alternatifs ». « Le plus dur, c’est d’avoir une cohésion dans l’action, explique-t-il, une ligne quasi politique. Nous, c’était le renouveau économique, nous voulions recréer une dynamique économique. Cela a beaucoup facilité notre action ».

L’extension du Conseil à 30 membres ne facilitera pas les choses, que ce soit pour dégager des lignes directrices ou organiser le travail, qui devrait au final incomber à un comité restreint composé des membres les plus impliqués.

Source : L’express.fr – Le 18 janvier 2013

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